Être « Lively », c’est être vivante. Mais dans le miroir impitoyable d’Hollywood, ce mot sonne parfois comme une injonction autant qu’une malédiction. Blake Lively a grandi avec ce nom-programme, et toute sa trajectoire semble une lutte pour l’habiter sans s’y enfermer. À chaque apparition, elle rappelle au monde qu’elle est plus qu’une image. À chaque rôle, à chaque prise de parole, elle cherche à rester ce que son nom promet : une femme qui refuse d’être figée, une vivante au sens le plus radical du terme.
Un soir de mai 2022, les marches du Metropolitan Museum de New York se transformèrent en théâtre. Les flashs crépitaient comme des éclairs de tempête, et au milieu du tumulte, une robe signée Versace se métamorphosa sous les yeux médusés : d’abord cuivrée comme le soleil couchant sur Manhattan, elle s’ouvrit soudain en un vert-de-gris puis en un bleu céleste, rappelant tour à tour l’Empire State Building et la Statue de la Liberté. Blake Lively, souveraine, s’arrêta quelques secondes, un sourire énigmatique aux lèvres, avant de poursuivre son ascension. La foule, hypnotisée, vit une apparition. Elle, pourtant, avait tout pensé, tout calculé. Sans styliste, sans armée de conseillers. Blake Lively avait fait de son propre corps une œuvre et une narration. Déjà, dans ce moment d’apothéose, affleurait ce qui allait définir toute sa trajectoire : derrière l’icône lumineuse, une stratège méthodique, une femme décidée à garder la main sur la mise en scène de son destin.

Son nom, Lively, signifie “vivante”. Tout semble dit dans cette promesse. Et pourtant, le paradoxe est là : Blake Lively a dû passer une partie de sa carrière à lutter contre l’immobilité des images, contre la fixité des étiquettes où l’on enferme les femmes trop visibles. C’est cette tension, cette contradiction féconde, qui nourrit son parcours. Blake Lively vit deux vies à la fois, l’une éclatante, offerte aux regards, l’autre souterraine, bâtie sur la discipline et le contrôle. C’est cette double vie qui la rend fascinante : une héroïne contemporaine qui expose tout en dissimulant l’essentiel, qui triomphe sur les tapis rouges tout en se forgeant, à l’ombre, une indépendance rare.
La prison dorée de Serena

Blake Ellender Lively naît le 25 août 1987 à Los Angeles, dans une famille où Hollywood n’est jamais loin. Son père, Ernie, est acteur de second rôle ; sa mère, Elaine, manageuse de talents. Ses frères et sœurs multiplient auditions et petits rôles. Mais l’adolescente, timide et studieuse, se rêve ailleurs. Elle pense à l’université, aux voyages, à une vie ordinaire. Le cinéma, elle ne l’envisage pas. Jusqu’à ce qu’un jour, sa sœur l’entraîne à une audition.
Elle a dix-sept ans quand elle décroche le rôle de Bridget dans The Sisterhood of the Traveling Pants (2005), traduit en France par Quatre filles et un jean. Elle y incarne une adolescente sportive, solaire, charismatique, la plus flamboyante du quatuor d’amies. Le film, sans être un triomphe commercial, devient une référence générationnelle : récit d’amitié, de passage à l’âge adulte et d’expériences initiatiques, il marque profondément son public adolescent. Déjà, Blake Lively apparaît comme l’incarnation d’une vitalité naturelle, insouciante, presque évidente : une héroïne “vivante” au sens premier de son nom. Mais cette première promesse allait vite se heurter à une autre réalité. Car deux ans plus tard, Serena van der Woodsen allait lui offrir une gloire planétaire, et avec elle, la cage dorée d’une image trop parfaite pour être vivable.
En 2007, Gossip Girl fait de Blake Lively une star mondiale. Serena, blonde solaire et mystérieuse, incarne une jeunesse new-yorkaise dorée, frivole et tourmentée. Les magazines copient ses tenues, les stylistes se pressent, la presse people l’érige en muse. Serena s’installe dans l’imaginaire collectif, et avec elle, une confusion tenace : Blake Lively devient son personnage. Elle confiera plus tard : « Les gens croyaient me connaître parce que je jouais Serena. J’étais en train de vivre ce que je jouais. » Cette identification absolue a la puissance d’un tremplin mais aussi la cruauté d’une prison. La star se sait prisonnière d’une fiction qu’elle n’a pas écrite.
L’évasion par le cinéma
Pour se libérer de Serena, Blake Lively cherche des failles. Elles viendront du cinéma. En 2010, Ben Affleck la choisit pour The Town. Elle y incarne Krista, jeune mère paumée, droguée et vulnérable. La critique est surprise : derrière l’icône glamour, il y a une actrice capable d’intensité brute. L’année 2015 la voit porter The Age of Adaline, où elle joue une femme éternellement jeune, condamnée à ne jamais vieillir. Un rôle qui lui va comme un gant, mais qui devient presque métaphorique : Blake Lively, éternelle Serena aux yeux du public, tente d’habiter une identité qu’elle n’a pas choisie. Puis vient The Shallows (2016), huis clos marin où elle est seule à l’écran, isolée sur un rocher face à un requin. Sans appui, presque sans dialogue, elle tient le film à elle seule. Le succès est immédiat : plus de 100 millions de dollars de recettes. Blake Lively n’est plus seulement la star d’une série : elle devient une actrice capable de porter un box-office.
Chaque rôle est une tentative de réécriture de soi. L’actrice glamour se fait survivante, femme immortelle, mère détruite. Chacun de ces films est une manière de dire : je suis vivante, je suis autre chose que l’image figée que vous croyez voir.
L’image comme arme
Pourtant, Blake Lively ne renonce pas à l’arme du glamour. Au contraire, elle la retourne à son avantage. Ses apparitions publiques deviennent des performances esthétiques. Son Met Gala 2022 reste dans toutes les mémoires. Mais plus encore que la robe Versace, c’est son autonomie qui fascine : elle n’a pas de styliste. Dans un système où les stars délèguent leur image, Blake Lively s’en empare et en fait son territoire de souveraineté. Elle conçoit ses looks comme d’autres conçoivent des rôles : avec précision, humour et un sens aigu de la dramaturgie. Là encore, elle mène deux vies : l’icône qu’on acclame, et la stratège invisible qui tire les ficelles.

L’entreprise Lively
Cette maîtrise trouve son prolongement dans l’entrepreneuriat. En 2021, Blake Lively fonde Betty Buzz, une marque de mixers sans alcool. Elle explique ne pas aimer boire, mais vouloir offrir “quelque chose de propre, simple et réel” à ceux qui partagent un verre. Deux ans plus tard, elle décline avec Betty Booze, version alcoolisée. Paradoxe assumé : elle ne boit pas, mais construit un empire de boissons. Les bouteilles circulent sur les réseaux sociaux, portées par une communication millimétrée où elle apparaît comme fondatrice, modèle et ambassadrice. L’actrice devient entrepreneuse, et l’icône se transforme en marque. Betty Buzz et Betty Booze ne sont pas seulement des produits : ce sont des chapitres supplémentaires de la légende Blake Lively.
Derrière la caméra
Il ne suffisait pas d’être une image. Blake Lively voulait raconter. En 2021, elle réalise le clip de Taylor Swift, I Bet You Think About Me. L’expérience est saluée par la presse musicale. L’année suivante, elle annonce son premier long-métrage comme réalisatrice, Seconds, adapté du roman graphique de Bryan Lee O’Malley, scénarisé par Edgar Wright. Après des années à être filmée, Blake Lively décide de filmer. Une manière de prendre la plume après avoir été le papier.
La militante
Mais l’autre vie de Blake Lively est aussi celle de l’engagement. En 2017, lors du Variety Power of Women, elle prononce un discours glaçant sur l’exploitation sexuelle des enfants : « Cela se passe ici et maintenant ». Le public, surpris, découvre une voix militante derrière l’icône glamour. Depuis, elle n’a cessé d’accompagner des causes humanitaires, souvent aux côtés de Ryan Reynolds : deux millions de dollars donnés au NAACP Legal Defense Fund et au Young Center en 2019, un million aux banques alimentaires pendant la pandémie, un autre million pour les réfugiés ukrainiens en 2022 via USA for UNHCR. Ce ne sont pas seulement des chèques, ce sont des signaux : la star s’expose, mais aussi elle agit.
La mère protectrice

Il y a enfin une cause intime qui mobilise Blake Lively : la protection de ses enfants. Elle a fait de la lutte contre la publication de photos de mineurs une bataille personnelle. Sur Instagram, elle interpelle directement les médias qui enfreignent cette règle, dénonçant la chasse impitoyable des paparazzi. C’est peut-être là que la double vie atteint sa forme la plus paradoxale : Blake Lively vit de l’exposition, mais se bat pour cacher l’essentiel. Elle est star et mère, icône et lionne.
La fissure
L’année 2024 est celle du triomphe et de la faille. Blake Lively est à l’affiche de It Ends with Us, adaptation du best-seller de Colleen Hoover. Le film engrange plus de 350 millions de dollars dans le monde. Une performance rare, qui la place dans le cercle fermé des actrices capables d’assurer à elles seules le succès planétaire d’un film. Mais ce triomphe est assombri par un différend judiciaire avec son co-réalisateur Justin Baldoni. Accusations croisées, plaintes, démentis. Le contrôle, si méticuleusement construit, vacille. Pour une femme qui a fait de la maîtrise son art, c’est le retour brutal de l’imprévisible.
La vivante et son double
À 37 ans, Blake Lively n’est plus seulement une actrice. Elle est une marque, une entrepreneuse, une réalisatrice, une militante. Mais elle reste traversée par ce paradoxe fondateur : vivre deux vies. Celle qu’on acclame, éclatante et publique, et celle qu’elle construit, souterraine et intime. L’icône glamour et la stratège. La star qui se donne et la mère qui protège.
Son nom, Lively, semble une promesse. Mais ce qu’il révèle surtout, c’est un combat. Celui d’une femme qui refuse d’être réduite à une image. Une star qui s’invente en permanence pour ne pas se laisser enfermer. Une vivante, au sens le plus profond du terme : une résistante à la fixité, à la mort symbolique des rôles uniques. Blake Lively a choisi la survie par le dédoublement. C’est sans doute là son secret : rester insaisissable, et donc toujours vivante.
Peut-être est-ce là, au fond, la clé de son magnétisme. Blake Lively ne cesse d’habiter deux vies à la fois : celle qu’on voit, éclatante, et celle qu’elle protège, souterraine. Elle est star et stratège, muse et entrepreneuse, mère et militante. Tout ce qu’Hollywood tend à réduire, elle le multiplie. Et si l’on devait retenir une chose de ce parcours de double, c’est bien que son nom n’était pas un hasard. Blake Lively n’est pas seulement une actrice. Elle est, et demeure, ce que peu osent être dans un monde d’images figées : vivante.
Blake Lively en quelques dates
- Naissance à Los Angeles (Californie, États-Unis)
- Quatre filles et un jean (Bridget Vreeland) Cinéma
- Gossip Girl – Serena van der Woodsen Série TV
- The Town (Ben Affleck) – performance dramatique remarquée Cinéma
- The Age of Adaline – rôle principal Cinéma
- The Shallows – thriller de survie, succès mondial Cinéma
- A Simple Favor – comédie noire (duo avec Anna Kendrick) Cinéma
- Réalise le clip “I Bet You Think About Me” (Taylor Swift) Réalisation
- Lancement de Betty Buzz (mixers sans alcool) Entrepreneuriat
- Co-présidente du Met Gala – robe Versace “Statue of Liberty” Mode & Image
- Annonce de son premier long-métrage comme réalisatrice : Seconds Réalisation
- Déclinaison Betty Booze (cocktails alcoolisés) Entrepreneuriat
- It Ends with Us – triomphe au box-office (> 350 M$) Cinéma