Dans son livre « Le chemin de l’homme » (Der Weg des Menschen), Martin Buber explore la notion de l’existence humaine et de la relation entre l’homme et le monde. Selon lui, l’existence humaine se caractérise par une tension constante entre deux attitudes fondamentales : l’attitude objectivante de l’autre et une attitude généreuse et ouverte qui reconnaîtrait en l’autre, en même temps qu’une personne et un sujet.
La première consiste à considérer le monde et les autres êtres humains comme des objets, que l’on peut manipuler et utiliser à sa guise. Cette attitude est inhérente à la vie quotidienne et à la technologie, mais elle peut aussi se manifester dans les relations sociales et les rapports de pouvoir.
La seconde, quant à elle, est la capacité à reconnaître l’autre comme une personne à part entière, avec sa propre dignité et sa propre histoire. Cette attitude est à la base de toute relation authentique et peut être vécue dans des moments de rencontre, de dialogue ou de communion.
Pour Martin Buber, le « chemin de l’homme » consiste à cheminer d’une attitude d’objectivante à une attitude de sujet, à travers la rencontre avec l’autre et avec soi. Cette rencontre peut prendre différentes formes, que ce soit dans la sphère personnelle, politique, religieuse ou artistique. Elle exige cependant une ouverture authentique à l’autre et une volonté de transcender les limites de l’ego pour accéder à une relation véritablement mutuelle.
« Le chemin de l’homme » selon Martin Buber implique également une dimension éthique et spirituelle. Pour lui, la relation avec l’autre est une relation avec l’Absolu, c’est-à-dire avec une transcendance qui se manifeste dans chaque rencontre authentique. Cette transcendance ne se réduit pas à une conception religieuse, mais peut être vécue dans des expériences artistiques, amoureuses, politiques ou sociales.
Martin Buber insiste également sur l’importance du dialogue dans la construction de la relation avec l’autre. Le dialogue véritable n’est pas un simple échange verbal, mais une rencontre entre deux personnes-sujets qui se reconnaissent mutuellement et s’engagent dans une recherche commune de la vérité et de la compréhension.
Enfin, le « chemin de l’homme » selon Martin Buber ne peut être parcouru que dans la liberté et la responsabilité. La liberté permet de s’ouvrir à l’autre sans se laisser dominer par ses propres intérêts ou préjugés, tandis que la responsabilité implique de prendre en compte les conséquences de ses actions sur l’autre et sur le monde.
En somme, le « chemin de l’homme » selon Martin Buber est un chemin de transformation personnelle et sociale, qui implique une remise en question constante de nos attitudes et de nos comportements envers l’autre et le monde.
Martin Buber (1878-1965)
Né à Vienne, ayant passé son enfance en Galicie et parcouru l’Europe dans sa jeunesse, il est vite devenu une figure majeure du judaïsme allemand et du premier sionisme. Installé à Jérusalem à partir de 1938, il s’imposera comme un penseur incontournable et sera invité dans le monde entier. Son destin exceptionnel croise ceux de Herzl, Freud, Einstein, Rosenzweig, Kafka, Zweig, Scholem, Gandhi, Bachelard, Jung, Heidegger, Levinas, Ben Gourion et de tant d’autres, comme en témoigne sa correspondance foisonnante. Martin Buber est non seulement un grand philosophe de l’altérité (« je et tu »), de la piété mystique (« les récits hassidiques ») et du dialogue judéo-chrétien (« deux types de foi »), mais il est aussi le héraut infatigable d’un sionisme humaniste cherchant sans cesse la paix avec les arabes, et un dénonciateur des totalitarismes hitlérien et stalinien.