La nouvelle de la disparition d’Amadou Bagayoko résonne comme un coup sourd dans le cœur des amoureux de la musique malienne et africaine. Co-fondateur du duo emblématique Amadou & Mariam, guitariste au jeu reconnaissable entre mille, artisan discret d’une fusion entre traditions mandingues et sons modernes, Amadou Bagayoko laisse derrière lui une œuvre essentielle, à la fois populaire et profonde. Il était de ceux qui ne cherchent pas la lumière, mais l’éclairent tout de même, par leur présence, leur fidélité à la musique, à l’amour, à l’engagement.
Un géant discret de la musique malienne
Né à Bamako en 1954, dans une famille de griots, Amadou Bagayoko incarne dès ses débuts l’âme de la musique malienne. Après avoir perdu la vue dans sa jeunesse, il se tourne vers la guitare, qu’il apprivoise comme un langage, une boussole, un prolongement de sa mémoire. Il rejoint dans les années 1970 Les Ambassadeurs du Motel de Bamako, formation légendaire où il accompagne Salif Keïta. Ce passage fondateur l’enracine dans la scène panafricaine, tout en forgeant un style personnel : groove fluide, riffs inspirés du blues et du rock, enracinement dans les rythmes traditionnels du Sahel.
« Ma musique, c’est mon pays. Elle avance avec lui, elle souffre avec lui, elle rêve pour lui. »
— Amadou Bagayoko
Mais c’est sa rencontre avec Mariam Doumbia, à l’Institut des jeunes aveugles de Bamako, qui bouleverse sa trajectoire et donnera naissance à un duo mythique. Ensemble, ils deviennent Amadou & Mariam, couple à la ville comme à la scène, symboles d’un art accessible, exigeant, profondément habité.
Amadou & Mariam : un duo universel
Leur musique transcende les langues et les continents. Dès les années 1990, le duo séduit les publics européens, puis mondiaux, avec des albums comme Dimanche à Bamako (2004), produit par Manu Chao, qui impose leur son métissé : pop mandingue, afro-blues, chants engagés. Amadou, toujours en retrait médiatique, est pourtant l’architecte de cette alchimie. Sa guitare lie l’Afrique de ses racines à l’universel des émotions humaines.
Dans les festivals internationaux, de Coachella à Glastonbury, Amadou & Mariam défendent une musique de lien, de fraternité. Ils chantent les amours ordinaires, les combats pour la dignité, les joies simples. Et sous les projecteurs, Amadou reste fidèle à lui-même : modeste, concentré, déterminé à faire parler ses cordes plutôt que sa voix.

Une guitare qui racontait l’Afrique
Ce que l’on retiendra d’Amadou Bagayoko, c’est cette capacité à dire le monde avec douceur. Sa guitare n’était pas flamboyante, mais juste. Elle racontait le Mali, ses drames et ses espoirs. Elle rendait hommage à ceux qui luttent, à ceux qui aiment, à ceux qui résistent. Elle refusait l’exotisme, préférait l’honnêteté. Son jeu, jamais démonstratif, était chargé d’une émotion retenue, d’une noblesse intérieure.
Il n’a jamais cherché à devenir une star de la world music. Il se voulait fidèle à une idée de la musique comme service, comme mission. À ce titre, il fut un passeur : pour les jeunes artistes maliens, il représentait un modèle d’intégrité, de simplicité, d’exigence. Un maître silencieux, comme on en croise rarement.
Un héritage vivant
Avec sa disparition, le Mali perd une de ses voix les plus douces, les plus fortes. Le monde de la musique perd un frère d’âme. Mais son héritage est immense, et vivant. Les disques d’Amadou & Mariam continueront d’être écoutés partout. Sa guitare, elle, continuera de murmurer l’Afrique, dans ses silences comme dans ses danses.
Amadou Bagayoko, c’était l’élégance du retrait, la puissance tranquille, la fidélité à une terre, à une femme, à un son. Le Métèque salue avec émotion ce grand musicien, ce bâtisseur de ponts, ce poète du quotidien. Que sa mémoire demeure dans chaque note qui, entre deux rives, nous relie.