Ils auraient pu se contenter d’être des légendes. Ils auraient pu s’en tenir aux tournées d’adieux interminables, aux anthologies prestigieuses et aux souvenirs de jeunesse réédités en vinyle. Mais non. Les Rolling Stones, plus de soixante ans après leurs débuts, choisissent de remettre le feu aux poudres avec Hackney Diamonds, leur nouvel album studio, qui ravive la flamme du rock’n’roll sans tomber dans la nostalgie.
Premier disque de compositions originales depuis A Bigger Bang (2005), Hackney Diamonds surprend par sa vigueur. Là où l’on attendait un baroud d’honneur fatigué, le groupe livre un album tendu, incisif, parfois même vibrant, comme un écho déchaîné de ses plus grandes années. Dès les premières mesures d’« Angry« , les riffs claquent, les guitares mordent, et l’énergie est là, intacte. Le morceau « Live by the Sword », où figure encore le regretté Charlie Watts, sonne comme un manifeste : le rock’n’roll des Stones est toujours vivant.
Des invités mythiques
La production, confiée à Andrew Watt (Post Malone, Iggy Pop), réussit un pari délicat : capter l’ADN sonore des Stones sans céder aux tendances du moment. Le son est brut, organique, presque rugueux — et c’est ce qui fait sa force. Pas de filtres ni de gadgets inutiles : ici, chaque instrument respire.
Des invités prestigieux apparaissent sans jamais voler la vedette : Paul McCartney pose une ligne de basse mordante, Elton John glisse quelques notes au piano. Le sommet reste sans doute « Sweet Sounds of Heaven », une ballade gospel-rock de sept minutes, habitée par une Lady Gaga bouleversante et transcendée par le clavier de Stevie Wonder. Ce morceau ample et lyrique évoque les grandes heures de Let It Bleed ou Exile on Main St., et prouve que les Stones savent encore convoquer les esprits du passé avec une grâce bien à eux.

« Rolling Stone Blues » : l’ultime boucle bouclée ?
Le disque se referme sur « Rolling Stone Blues », une reprise de Muddy Waters interprétée en duo acoustique par Mick Jagger et Keith Richards. Un clin d’œil émouvant à leurs racines blues, et peut-être, une ultime révérence. Le choix de ce morceau comme conclusion n’a rien d’anodin : il boucle symboliquement l’aventure d’un groupe qui, au fil des décennies, aura su traverser les modes, les excès et les tragédies avec une constance presque surnaturelle.
Hackney Diamonds, entre hommage et vitalité
Bien sûr, certains critiques déplorent un manque de prise de risque ou des textes moins affûtés. Mais cela importe peu. Car Hackney Diamonds n’a pas pour ambition de réinventer le rock : il le réaffirme, comme une évidence. Un cri de ralliement. Un souffle toujours brûlant. C’est un disque sincère, solide, résolument vivant.
Alors, chant du cygne ou renaissance tardive ? Peut-être les deux à la fois. Une chose est sûre : avec Hackney Diamonds, les Rolling Stones signent un retour digne de leur légende, un hommage vibrant au rock’n’roll dans ce qu’il a de plus noble : rage, élégance et liberté.