Il y a des expositions qui résonnent comme un simple hommage, et d’autres qui débordent de vie au point de nous emporter dans leur tourbillon. Celle que consacre aujourd’hui le Grand Palais à Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely et Pontus Hulten appartient sans conteste à la seconde catégorie. On n’y marche pas. On y plonge !
Dès les premières salles, le visiteur est happé par une énergie joyeuse, rageuse, indisciplinée. Les « Tirs » de Niki, ces gestes radicaux où l’art explose littéralement sous les balles, résonnent comme autant de coups de feu tirés contre les conventions, les musées trop sages, les hiérarchies poussiéreuses. Plus loin, les machines folles de Tinguely grincent, cliquettent et se démantibulent avec cette ironie délicieuse qui a toujours fait de lui un enfant terrible du mouvement cinétique. Et au milieu de ce couple incandescent, il y a l’œil bienveillant et fraternel de Pontus Hulten, ce directeur de musée pas comme les autres, qui sut très tôt comprendre que ces deux-là faisaient basculer l’histoire de l’art.

Ce qui bouleverse ici, ce n’est pas seulement l’esthétique vertigineuse mais l’histoire qu’elle raconte : celle d’une alchimie à trois où se mêlent passion amoureuse, amitié indéfectible et conviction politique. Saint Phalle et Tinguely avaient en commun cette certitude que l’art n’est rien s’il n’est pas partage, transgression, fête collective. Hulten, lui, a su leur donner les espaces et la confiance nécessaires pour rêver à grande échelle. Pensons à la monumentale Nana cathédrale de Stockholm en 1966, où l’on entrait par le sexe d’une femme géante ou le délirant Crocrodrome de Zig et Puce au Centre Pompidou en 1977, quand la sculpture devenait terrain de jeu.
L’exposition le rappelle avec éclat : ces œuvres ne vieillissent pas. Elles demeurent des bombes d’actualité dans un monde où l’art est parfois tenté de se replier sur lui-même. Ici, tout est invitation à ouvrir, à oser, à se salir les mains, à rire aussi.
On sort de ce parcours un peu étourdi, comme après une fête trop belle pour être vraie. Mais c’est peut-être cela, la réussite majeure de cette exposition : nous rappeler que l’art, lorsqu’il est vécu comme un acte d’amour et de liberté, n’appartient pas aux musées. Il nous appartient à tous.

© Fonds Shunk et Kende / Centre Pompidou/Bibliothèque Kandinsky/GrandPalaisRmn/
Un conseil : réservez vite. Ce genre de rendez-vous, on ne les vit pas deux fois.
Au Grand Palais jusqu’au 4 janvier 2026