On pensait avoir tout vu. De Man of Steel à Batman v Superman, des séries CW aux tentatives animées, l’homme à la cape rouge avait été exploité jusqu’à l’épuisement, entre mythologie christique et désillusion post-11 septembre. Ce qu’en fait James Gunn aujourd’hui ? Un reboot qui frôle parfois le ridicule mais qui, contre toute attente, trouve sa propre vérité : un film de super-héros premier degré… mais pas complètement dupe.
Pas question de rejouer l’origine story : dès les premières minutes, Superman est à terre, littéralement. Le corps brisé, figé dans la glace. Une image à la fois grotesque et poignante, qui annonce la couleur : le film sera une suite de déséquilibres tenus sur le fil. Clark Kent (David Corenswet) est pris dans un vortex géopolitique, victime d’une campagne de désinformation mondiale orchestrée par un Lex Luthor (Nicholas Hoult) plus populiste que jamais. Oui, Superman parle de fake news, d’opinions volatiles, de conflits armés en Europe centrale ; et il le fait avec un sérieux qui frôle parfois la naïveté. Mais c’est une naïveté assumée, presque programmatique : le monde est devenu une farce, alors pourquoi Superman ne le serait-il pas un peu aussi ?
Sara Sampaio, bonne surprise d’un rôle qu’on croyait accessoire
Greluche de façade, talons aiguille, selfie à la volée : l’Eve Teschmacher version Sara Sampaio semblait promise au décor. Et pourtant, elle retourne la carte. Fine, ambiguë, peut-être plus lucide que tous les autres, elle laisse deviner une intelligence réelle sous le masque de l’idiote heureuse. Jeu de rôle ou nature profonde ? Le film ne répond pas et c’est très bien ainsi. Dans ce flou, Sara Sampaio signe une vraie surprise : subtile, drôle, troublante.

Un film qui ne choisit pas… et c’est tant mieux
James Gunn joue ici sur tous les tableaux : bastons chorégraphiées avec jubilation (mention spéciale au chien Krypto, sidekick numérique aussi absurde qu’attachant), critiques sociales en trompe-l’œil, hommages au pulp rétro. Il ne tranche jamais vraiment entre la satire mordante et la foi sincère dans le récit héroïque. Là où d’autres se vautreraient dans l’indécision, lui avance dans le déséquilibre, avec une sorte de grâce bancale.
Le film enchaîne les ruptures de ton, les clins d’œil pop, les répliques absurdes et les envolées solennelles. C’est parfois kitsch, souvent brouillon, mais presque toujours surprenant. Là où Zack Snyder faisait de Superman un dieu en crise, James Gunn en fait un humain maladroit. Plus politique qu’il n’y paraît, plus tendre qu’il n’en a l’air.
Et au fond, c’est peut-être ça, la vraie réussite : ne pas choisir entre le chaos et la croyance. Offrir un Superman cabossé, un peu ridicule, un peu sublime : à notre image.