On ne savait pas très bien ce qu’on allait voir. Un film potache ? Une farce gauchiste ? Un énième pied-de-nez d’auteur à la réalité ? Ce qu’on découvre avec Dans la peau de Blanche Houellebecq, c’est autre chose. Un film malade, dérangeant, souvent drôle, parfois embarrassant mais surtout profondément symptomatique de l’époque. Un film où la France contemporaine, sa mauvaise conscience coloniale, ses névroses identitaires, son goût pour la satire, grimace dans le miroir d’un duo improbable : Blanche Gardin et Michel Houellebecq, en limousine (presque) climatisée, direction l’absurde.
Au départ, l’idée tient du sketch : deux figures de la provocation médiatique débarquent en Guadeloupe pour un concours de sosies. Très vite, la farce se corse. On parle d’indépendantisme, de racisme, d’homophobie, de flics véreux et de champignons hallucinogènes. On glisse de C’est pas sorcier à Apocalypse Now, version post-BFM TV. Houellebecq, toujours aussi spectral, joue Houellebecq. Blanche Gardin, toujours aussi incisive, ne joue pas vraiment autre chose qu’elle-même. Mais dans ce théâtre tropical où la France en prend pour son grade, leurs dialogues font mouche. D’un grotesque profond. D’un malaise précis.

On peut reprocher bien des choses au film de Guillaume Nicloux : sa mise en scène brinquebalante, sa tendance au clin d’œil appuyé, son ironie parfois trop facile. Mais il faut lui reconnaître un mérite : il regarde le réel en face. Pas pour le décortiquer savamment, mais pour s’en moquer avec une jubilation inquiète. Il n’y a pas de thèse ici, ni de grand message à emporter. Juste un monde qui s’effondre dans un rire nerveux. Comme si, au fond, le meilleur moyen de parler du passé colonial français, de l’impasse identitaire et du vide culturel, c’était encore de convoquer un écrivain réactionnaire et une humoriste névrosée et de les lâcher au milieu d’un décor de carte postale en décomposition.
Le film ne tranche rien. Il n’excuse pas Houellebecq mais ne le condamne pas non plus. Il laisse la parole à Blanche, sans jamais lui accorder tout le crédit. Il laisse le spectateur seul, face à une satire, qui s’auto-sabote par moments, mais qui n’abdique jamais. C’est parfois raté, souvent trop mais toujours vivant. Ce n’est déjà pas si mal.
Et s’il fallait une preuve que le cinéma français a encore quelque chose à dire, ce serait peut-être celle-là : il ne sait plus comment le dire mais il y va quand même. En titubant, en doutant, en provoquant. Avec des sosies, des blagues douteuses et l’envie de vomir. Comme une France qui chercherait à se faire pardonner… sans vraiment savoir de quoi.