Dans Les Musiciens, Grégory Magne orchestre une comédie de chambre sensible où la musique devient le révélateur de nos égarements intimes.
Astrid (Valérie Donzelli), héritière d’un rêve paternel, veut réunir quatre Stradivarius pour un concert unique. Autour d’elle, quatre solistes virtuoses mais incapables de s’écouter. Ce quatuor bancal, traversé de rivalités, incarne à merveille notre époque fragmentée, où la collaboration suppose un effort devenu presque contre-nature. Les Musiciens interroge moins la réussite d’un projet que la possibilité même d’un accord entre les singularités.
Ici, la musique n’est pas décorative : elle agit comme révélateur. Chaque silence, chaque dissonance devient symptôme d’un repli, d’une fatigue ou d’un deuil. Grégory Magne, avec une mise en scène subtile et feutrée, filme l’espace des répétitions comme un champ magnétique où les tensions affleurent à chaque note mal tenue. La photographie de Pierre Cottereau épouse cette tension : cadrages serrés, lumières tamisées, respiration contenue.

Les interprètes des musiciens : Lise (Maud Baecker), George (Pascal Sangla), Peter (Clément Bernardeau) et Apolline (Ingrid Riollot), tous musiciens professionnels, apportent une densité rare à leurs rôles. Leurs corps parlent autant que leurs instruments, et chaque geste traduit l’exigence du jeu autant que la pudeur des émotions rentrées. Le film atteint son point de bascule avec l’arrivée de Charlie Beaumont (Frédéric Pierrot), compositeur en retrait mais pivot du récit : il vient rappeler que l’art, avant d’être maîtrise, est écoute, patience, doute — et que ce doute est fertile.
Grégory Magne déjoue habilement les attendus du film de groupe ou du drame d’apprentissage. Pas de grande catharsis ici, mais la beauté ténue d’un accord trouvé, fragile, peut-être provisoire mais gagné contre le silence. Les Musiciens n’est pas un film sur la réussite mais sur la tentative. Et c’est là toute sa force.