Il fallait oser ce titre, bravache et un brin provocateur : L’amour, c’est surcoté. Et il fallait, surtout, le dépasser. Car derrière la formule un peu désabusée, Mourad Winter cache un film tendre et généreux, qui parle d’amour justement mais de celui qui se donne sans retour, sans conditions, sans storytelling. Un amour modeste, souvent silencieux, parfois maladroit mais capable de réveiller les cœurs engourdis. Pour son premier long métrage, adapté de son propre roman, Mourad Winter trouve le ton juste : celui de la comédie romantique contemporaine qui sait faire rire tout en parlant vrai.
Le point de départ du film est un chagrin. Anis (Hakim Jemili) est un trentenaire en veilleuse. Depuis la mort de son meilleur ami, il traverse la vie comme on traverse un couloir vide : en évitant de regarder les murs. Il faut la présence vive de Madeleine (Laura Felpin), pour que quelque chose se remette à circuler. Non pas une passion fulgurante, mais un compagnonnage imprévu, fait de maladresses, d’élans, de silences partagés. Ce n’est pas une histoire d’amour mais une histoire de réapprentissage : celui de la joie, de l’autre, et finalement de soi.

Il y a quelque chose de profondément humain dans ce film : une façon de traiter le deuil non comme une fatalité plombante mais comme un passage, douloureux certes mais fertile. Mourad Winter ne force rien. Il laisse ses personnages respirer, s’égarer, revenir. Il filme le vide avec pudeur et les petits gestes avec une tendresse contagieuse. L’humour y est présent, toujours. Pas pour détourner l’émotion mais pour l’accueillir autrement. On rit souvent, de bon cœur, de ces scènes de couple en formation, des dialogues ciselés, des situations absurdes et c’est précisément ce rire-là qui permet la guérison.
Car au fond, L’amour, c’est surcoté n’est pas un désaveu du sentiment amoureux. C’est une manière de le réhabiliter en dehors de ses caricatures. Mourad Winter parle d’un amour sans calcul, qui se manifeste moins dans les déclarations que dans les actes discrets : une visite impromptue, un dîner préparé, une écoute réelle. Faire le bien sans attendre de retour, voilà peut-être la définition la plus noble, et la plus rare, de l’amour. Et c’est aussi la leçon simple mais précieuse que le film murmure.
Présenté au Festival de l’Alpe d’Huez, le film a reçu une mention spéciale du jury. Rien d’étonnant : on y sent une sincérité rare, une volonté de dire quelque chose de vrai, sans posture ni cynisme. Mourad Winter entre dans le cinéma comme on entre dans une pièce fragile : avec humour, respect et le désir de réparer doucement. Il nous rappelle, en passant, que le rire est souvent le premier pas vers la lumière. Et que parfois, l’amour, le vrai, commence là où l’on cesse de vouloir en tirer quelque chose.