Avec Le Mélange des genres, Michel Leclerc continue d’explorer les fractures de notre temps à travers le prisme de la comédie sociale. Après la religion (Télé Gaucho), l’identité (La Lutte des classes) ou encore l’engagement politique (Le Nom des gens), il s’attaque ici au terrain miné des rapports entre féminisme, masculinité et justice médiatique. Mais derrière la promesse d’un regard équilibré se cache un récit où le rire finit par pencher, un peu trop nettement, d’un seul côté.
Un dispositif risqué, un humour bien rodé
Le film suit Simone (Léa Drucker), policière conservatrice infiltrée dans un collectif féministe, et Paul (Benjamin Lavernhe), comédien effacé, accusé à tort d’agression sexuelle. Dès le départ, Leclerc pose le décor : celui d’un monde fragmenté, où les récits s’entrechoquent plus qu’ils ne dialoguent. Le film avance sur le fil, dans une tension entre l’envie d’en rire et le besoin de comprendre.
On retrouve ce qui fait la patte du cinéaste : des dialogues ciselés, une écriture vive, des situations volontairement absurdes. Lavernhe, notamment, brille par son jeu d’innocence pathétique, donnant chair à un homme dépassé par la virulence des débats.

Mais un déséquilibre problématique
Si l’intention semble louable — confronter les dogmatismes, pointer les excès sans rejeter les combats — le film glisse peu à peu vers un déséquilibre gênant. Car à mesure que l’intrigue avance, ce sont surtout les militantes féministes qui deviennent les cibles principales du comique. Le collectif infiltré est caricaturé jusqu’à l’absurde, parfois même au grotesque. Et si l’on rit, c’est trop souvent contre elles plutôt que avec elles.
On comprend bien ce que vise Michel Leclerc : l’aveuglement idéologique, le piège du radicalisme, la confusion entre justice et vengeance. Mais en concentrant l’humour sur les militantes, le film oublie de réaffirmer la légitimité de leurs combats. Le danger, ici, n’est pas l’irrévérence — bienvenue — mais l’absence de contrechamp sincère.
Une comédie de l’époque, pas de la réconciliation
On aurait aimé que Le Mélange des genres propose un regard vraiment partagé, capable de faire droit aux sensibilités de chacun. Or, le portrait du personnage masculin, faussement accusé, se pare d’une humanité que l’on refuse aux autres. Il est doux, maladroit, drôle malgré lui — elles sont hargneuses, hystériques, ridiculisées. Au final, c’est une certaine idée du féminisme qui devient risible, et non ses caricatures.
Le film se veut un appel au dialogue. Il n’est pas malveillant, et conserve un ton bienveillant, presque tendre. Mais il reflète un biais tenace : celui qui, sous couvert de nuance, finit par tourner la cause féministe en dérision.