Parthenope aurait dû incarner Naples : son mythe, son mystère, sa mélancolie solaire. À l’écran, elle n’est pourtant qu’une image arrêtée, figée par un Sorrentino qui semble avoir confondu inspiration et fétichisme. L’actrice, superbe inconnue (Celeste Dalla Porta) choisie pour le rôle, n’exprime guère plus que deux émotions interchangeables : une langueur de carte postale ou une tristesse affectée.
On aurait voulu croire en elle, en cette jeune femme brillante, pendant féminin de Jep Gambardella, le romancier de La grande bellezza. Mais Parthenope reste en surface : elle aurait pu tout embrasser : cinéma, littérature, maternité, mondanité, elle se contente d’attendre, de s’abandonner à la ville, par paresse ou par désenchantement. Peut-être les deux.
Dans une scène presque inique, Sorrentino nous livre une rencontre éthérée et dénuée de sensualité entre Parthenope et un cardinal vieillissant. Ce moment, censé être l’un des points d’orgue de la tension émotionnelle et psychologique du personnage, se transforme en un ballet artificiel de gestes et de regards fétichistes. La sensualité, délibérément dénuée de désir, devient une mise en scène froide et grotesque, presque caricaturale, où la sacralité du corps est réduite à un spectacle de déchéance. Parthenope, loin de représenter une figure émancipée ou désirable, se laisse aller dans une passivité gênante, aliénée par une autorité religieuse qu’elle semble à la fois fuir et rechercher. Cette scène, dans sa déshumanisation, symbolise le déclin de l’aspiration de Parthenope, pris dans une spirale de déception et de renoncement. Au lieu de l’initiation ou de la libération attendue, elle incarne une perte de soi, engloutie par la vacuité d’une rencontre à la fois intime et publique, où la transgression n’est qu’une illusion de plus.
Un seul moment sauve à peine ce naufrage : un été à Capri, en 1968, au cœur d’une danse à trois avec son frère fragile et son premier amour. Instant suspendu, fragile… et déjà plombé par une lourdeur rampante.
Car Parthenope étouffe sous l’enflure de son propre dispositif. Travellings inutiles, panoramiques gratuits, esthétisme publicitaire : Sorrentino filme Naples comme une brochure de luxe. À force de chercher la beauté dans chaque plan, il en oublie l’âme.
Fellini, lui, savait capter Rome vivante. Sorrentino empile de jolis clichés. Et Naples, réduite à une silhouette, nous échappe.